Page:Sand - Le Diable aux champs.djvu/283

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FLORENCE. — Non ! Faites attention à ce que vous voulez me confier. Je ne sais pas tout, je n’ai pas voulu le savoir. Madame de Noirac vient de se confesser à vous ? Elle a bien fait. Cela répare tout à mes yeux et doit tout effacer aux vôtres. Taisez-vous donc ! vous n’avez pas le droit, dussiez-vous rompre avec elle, de trahir sa confession.

GÉRARD. — Oui, Marigny, vous avez raison. Vous êtes un galant homme, vous ! et c’est pour cela que j’ai raison aussi de vous demander conseil. Tenez, j’ai la tête perdue, et j’ai besoin de l’appui d’un esprit plus fort que le mien. Que feriez-vous à ma place ?

FLORENCE. — Je ne sais pas.

GÉRARD. — Oui, parce que vous ne connaissez pas les faits ; mais supposez-les tels… qu’ils ne sont pas ! Supposez-les bien mortifiants, bien irritants pour moi.

FLORENCE. — Sont-ils antérieurs à votre liaison avec madame de Noirac ?

GÉRARD. — Fort peu antérieurs, presque pas ! J’ai été pris comme un parapluie après l’averse.

FLORENCE. — N’importe ! vous n’avez pas été personnellement trompé, et le fussiez-vous d’ailleurs, il n’y a qu’un mot à se dire : J’aime ou je n’aime pas.

GÉRARD. — Vous voyez le désespoir où je suis. J’aime comme un fou.

FLORENCE. — Je le vois ; eh bien, pardonnez.

GÉRARD. — C’est mon premier besoin ; mais je crains pour mon honneur…

FLORENCE. — Où placez-vous votre honneur ? dans le cerveau, dans la fantaisie d’une femme ? Alors, ne vous mariez pas.

GÉRARD. — Quoi ! nos femmes ne disposent-elles pas, par leur conduite, de l’opinion qu’on prend de notre caractère ?

FLORENCE. — Si l’opinion n’est pas fixée d’avance sur votre caractère, vous n’en avez donc pas ?

GÉRARD. — J’espère que si ; mais le caractère d’un mari et celui d’un garçon, cela fait deux.