Page:Sand - Le Diable aux champs.djvu/285

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des enquêtes, des récriminations scandaleuses où les deux époux sont forcés, par tous les moyens, de se déshonorer l’un l’autre. Ah ! tenez, Marigny, le mariage est une impasse et la société un enfer !

FLORENCE. — C’est vous qui dites cela, Mireville ?

GÉRARD. — Oui, c’est moi ! Je ne l’avais pas encore compris comme en cet instant, où je me sens en train de me brûler la cervelle.

FLORENCE. — Vous aurez oublié demain tout ce qui vous frappe aujourd’hui. L’habitude et la croyance seront plus fortes que votre propre expérience, et vous ferez encore la guerre, une guerre à mort, Gérard ! à ceux qui parlent de réformer cette société détestable ! Vous serez un mari terrible ou débonnaire, un père désolé ou méconnu, et vous direz encore que tout est bien dans ce monde. Vous le direz d’autant plus, je vous en réponds ; et le mariage, tel qu’il est, vous paraîtra une arche sainte qu’il ne faut point parler de modifier.

GÉRARD. — Quelle modification, selon vous, serait donc possible ? Le divorce ?

FLORENCE. — Je l’ignore ; car, en fait, dans nos mœurs, ce serait peut-être aujourd’hui une porte de plus ouverte à la dissolution de la famille.

GÉRARD. — Mais quoi, alors ? L’abolition du mariage !

FLORENCE. — Non certes ! L’amour est la loi de Dieu, et la fidélité réciproque est l’idéal de l’amour, c’est-à-dire de ce qu’il y a de plus doux, de plus sacré, de plus nécessaire à l’humanité ; mais comment voulez-vous l’obtenir par la force ? Vous ne pourriez pas obtenir ainsi le choix de l’amour ; comment obtiendriez-vous la durée de l’amour ?

GÉRARD. — C’est donc par la douceur, la persuasion, le dévouement qu’on le pourrait ?

FLORENCE. — Il me semble que c’est ce que vous faites depuis que vous adressez vos hommages à madame de Noirac.

GÉRARD. — Oui, je vous entends, ce que je peux faire pour l’obtenir, je dois savoir le continuer pour le conserver.