Page:Sand - Le Diable aux champs.djvu/286

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FLORENCE. — Sans doute ! Cela ne changera rien au mal général ; mais si chacun faisait comme vous, les bonnes mœurs ramèneraient la sainteté dans le mariage religieux et dégageraient vite l’institution civile de ce qu’elle a de barbare. Tenez, votre cœur est large, mais votre esprit est fermé à la théorie du progrès général. Eh bien, essayez au moins de la pratique du progrès en vous-même. Vous êtes très-loyal, très-bon, très dévoué ; appliquez-vous à l’être tous les jours davantage. Si vous n’y parvenez pas, vous vous attribuerez peut-être le droit de dire que tous les hommes ne sont pas susceptibles de s’améliorer ; mais alors ce sera nier le christianisme ! Si, au contraire, vous réussissez à vous compléter et à vous perfectionner dans vos bons instincts, il y a cent à parier contre un que vous rendrez sage une femme étourdie, et tendre une femme froide.

GÉRARD. — C’est vrai, Marigny ! Je me suis dit vingt fois, en voyant des ménages orageux et troublés, que si l’un des deux époux était parfait, l’autre cesserait d’être détestable.

FLORENCE. — C’est une société difficile que celle où il faut être parfait pour n’être pas désespéré, vous en conviendrez ! Mais il faut que cette vertu religieuse sauve l’individu, en attendant qu’elle sauve la société.

GÉRARD. — Vous m’étonnez, Marigny ! Vous paraissez chrétien !

FLORENCE. — J’essaye de le devenir.

GÉRARD. — Ah ! alors vous cesserez d’être socialiste ?

FLORENCE, souriant. — Vous croyez ? Tenez, allez rejoindre votre maîtresse, et si vous voulez la conserver, tâchez de n’être pas trop absolutiste.

GÉRARD. — Nous ne serons jamais d’accord sur les mots, Marigny, mais nous pouvons l’être sur le fond des choses.

FLORENCE. — Cette anomalie se voit souvent dans ce temps-ci.

GÉRARD. — Quoi qu’il en soit, je vous sais obligé, mon cher ami. Vous m’avez donné un bon conseil, je le suivrai. Vous m’avez calmé, je vous en remercie.