Page:Sand - Le Diable aux champs.djvu/316

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Céline, car ton chagrin me fait du mal ! Seulement, je ne comprends pas… Tu dis que tu voulais me tuer… De quoi donc suis-je coupable envers toi ?

MYRTO. — De rien, et de tout ! Tu es heureuse, toi, tu es aimée !… Eh bien, tu frissonnes, tu trembles ?… Allons, menteuse, tu le savais bien ?…

JENNY. — Non, non ! je ne mens pas, je n’en sais rien. Tu me trompes pour m’éprouver ? C’est toi, ce n’est pas moi qu’il aime !

MYRTO. — Tu serais donc jalouse de moi, si je voulais te laisser croire… Mais non, tu ne serais pas jalouse ; tu ne me ferais pas cet honneur-là. Tu dirais comme ta maîtresse : Qu’est-ce que ça nous fait, à nous, que nos adorateurs soient vos amants ? Ils finiront toujours bien par vous quitter et par nous épouser.

JENNY. — Non, non, Céline, ce n’est pas moi qui dis cela !

MYRTO. — Mais tu le penses.

JENNY. — Non jamais ! Si j’aimais… celui que tu aimes… je serais bien jalouse de toi, va, et je souffrirais beaucoup !

MYRTO. — Je sais que tu as souffert, aujourd’hui. On me l’a dit, et tu me haïssais probablement !

JENNY. — Non, ma pauvre Céline, oh ! pour cela, non ! Il m’a demandé ce qu’il devait penser de toi ; il avait l’air de me dire qu’il voulait se consacrer à toi, et je l’ai encouragé à cela, bien sincèrement, et sans croire que ce serait peine perdue…

MYRTO. — Ah ! oui, s’il m’aimait, n’est-ce pas, je serais bien sauvée ? Mais il s’agit de se sauver sans cela, et c’est plus difficile. C’est égal, Jenny, je suis contente de toi, puisque tu m’a estimée assez pour me craindre… Je t’ai fait souffrir un peu, je ne suis plus si humiliée !

JENNY. — Mon Dieu, Céline, ne me dis pas que je l’aime ! je n’en sais rien, vrai, je n’en sais rien !

MYRTO. — À la bonne heure ! Mais toi, ne me dis pas que tu ne l’aimes pas. Tu mentirais, et je rougirais de me voir méprisée pour quelqu’un qui ne daigne pas me savoir gré de ma soumission.