Page:Sand - Le Diable aux champs.djvu/320

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égoïsme. Je me suis relevée, j’ai pris le manteau d’une servante, en disant que j’avais besoin de faire un tour de promenade pour m’endormir, et je suis venue seule ici, à pied, pour te dire ce que je t’ai dit. Jenny, il t’aime, et je ne te hais pas ! Sache-le, n’aie pas de remords, sois heureuse, aime-le ! Je te le demande à genoux ! Tiens ! je sens que le devoir n’est pas un mot et qu’il porte ses fruits, car, en te disant cela, je suis fière de moi-même !

JENNY. — Ô Céline ! comment as-tu pu t’égarer, toi a grande et si forte ! Viens, viens sur mon cœur ! Non, viens avec moi, allons ensemble demeurer où tu voudras, ne nous quittons plus. Je laisserai tout pour toi, pour te distraire quand tu t’ennuieras, pour te rapprendre à travailler, à chanter en travaillant. Tu redeviendras aussi pure, aussi enfant que les filles de cette bonne étrangère que je bénis pour t’avoir bénie…

MYRTO. — Oui, ma Jenny, un jour peut-être, quand tu seras sa femme, à lui !… Quand je me sentirai bien fière et bien forte, et bien digne de ta sainte confiance, nous pourrons vivre et travailler ensemble ; car je veux travailler, je t’en réponds ! Je ne veux rien garder de ce que j’ai si honteusement gagné. Dans huit jours, tout cela sera restitué à ceux qui voudront l’accepter, ou vendu pour les pauvres. À présent, adieu. J’ai peur qu’on ne s’inquiète de toi, qu’on ne te cherche et qu’on ne me voie. Ah ! si on croyait que j’ai voulu manquer à ma parole ! Non, non ! tu rendras témoignage de moi, si on sait que je suis revenue ce soir C’est la dernière fois ; je n’y reviendrai plus que ramenée par toi ou par Jacques.

JENNY. — Tu veux t’en aller, comme cela, toute seule, si loin, la nuit, sur des chemins que tu connais à peine ? C’est impossible !

MYRTO. — Je suis bien venue, je m’en irai de même. L’air de la nuit me ranime. Ces belles étoiles qui sont là-haut, elles ont l’air de me regarder ! J’ai suivi le cours de cette petite rivière, je vais le redescendre. Son joli bruit doux me guidera dans l’obscurité. Je suis bien, je ne sens plus de fati-