Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/104

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l’inépuisable source de tout bien et de toute beauté ? Ne la personnifions-nous pas quand nous lui demandons le calme ou l’énergie que la vie factice du milieu social tend toujours à détruire ou à troubler ? Certes il y a des heures où, sans être ni peintre, ni écrivain, ni artiste, ni savant, nous étudions et interrogeons la nature avec notre cœur et notre esprit, comme si, de son sourire ou de sa menace, nous attendions l’apaisement ou l’embrasement de nos pensées. C’est pour cela que nous nous plaisons dans certains sites, comme si toutes les apparences inertes nous y révélaient l’âme qui palpite dans tout, et que nous souffrons dans d’autres lieux, comme si tous les esprits cachés dans la matière nous refusaient l’inexorable secret de leur vitalité.

Quoi qu’il en soit de ces rêveries, je me trouve bien ici, et j’y vivrais volontiers si j’étais tenté de choisir un isolement quelconque. C’est un pays dur et riant à la fois, mais où l’âpreté domine et où le sourire se fait prier. Le climat est rude, très-froid en hiver, très-chaud en été. La vigne mûrit mal et donne un vin très-âcre, dont, comme dans tous les pays de mauvais vin, les habitants font excès. Les sommets des Cévennes sont souvent chargés de vapeurs glaciales, et quand le vent les balaye, la pluie se rabat sur les bassins. Dans la saison où nous sommes, c’est un éternel caprice, des combinaisons de nuées fantastiques, des éclipses subites de soleil, et puis des clartés d’une limpidité froide qui ramènent la pensée à ces rêves de la