Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/113

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mâles tiennent plus des traits de leur mère que les filles, c’est à son père que celui-ci ressemblera, s’il continue à se développer dans le sens appréciable dès aujourd’hui. Il a déjà mes indolences et mes timidités farouches du premier âge, que ma mère me raconte si souvent, et mes abandons subits, qui lui faisaient, dit-elle, me pardonner et me chérir quand même. Il s’est aperçu cette année de ma présence autour de lui. Il a eu peur d’abord, et maintenant il me sourit et s’efforce de me parler. Son sourire et son bégaiement me font tressaillir, et quand il cherche ma main pour marcher, je ne sais quelle reconnaissance envers lui m’arrache des larmes que je cache avec peine…

Mais c’est assez, je ne veux pas te paraître trop enfant moi-même ; je t’ai dit cela pour que tu ne t’étonnes plus quand je refuse de t’entendre faire des projets pour moi. Va, mon ami, il ne faut me parler ni d’amour ni de mariage. Je n’ai pas assez de bonheur dans l’âme pour en donner à un être qui serait nouveau dans mon existence. Cette existence-là suffira à peine à mes devoirs, je le vois bien à la tendresse que j’ai pour Didier, pour ma mère et pour toi. Avec cette soif d’étude qui m’enfièvre si souvent, quelles heures trouverais-je donc pour charmer les loisirs d’une jeune femme avide de bonheur et de gaieté ? Non, non, n’y songeons pas, et si la pensée de cette sorte d’isolement est encore parfois effrayante à mon âge, aide-moi à atteindre le moment où elle sera tout à fait normale. C’est l’affaire de quelques années. Ton affection me