Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/117

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mes pieds au bord de l’eau, et de distance en distance des moulins rustiques et des écluses remplissaient l’espace de leur bruit cadencé. À tout cela se mêlait le son d’une cornemuse qui était je ne sais où et qui disait à satiété un refrain naïf assez agréable. Un paysan qui marchait devant moi s’est mis à chanter les paroles en suivant et continuant l’air, comme s’il eût voulu aider le ménétrier à en sortir. Ces paroles sans rime ni raison m’ont semblé si curieuses que je veux te les dire :


Hélas ! que les rochers sont durs !
Le soleil ne les fond pas,
Le soleil, ni même la lune !
Tout garçon qui veut aimer
Cherche sa peine.


Il y a toujours quelque chose de mystérieux dans les chants du paysan, et la musique, aussi défectueuse que les vers, est mystérieuse aussi, souvent triste et portant à la rêverie. Pour moi qui suis condamnée à rêver au pas de course, puisque ma vie ne m’appartient pas, j’ai été très-frappée de ce couplet, et je me suis beaucoup demandé pourquoi même la lune ne fondait pas les rochers ; cela veut-il dire que, la nuit comme le jour, le chagrin du paysan amoureux est lourd comme sa montagne ?

Tout en haut de la côte, qui est convenablement hérissée de ces gros rochers si durs, — la marquise dit qu’ils sont petits comme des grains de sable, mais