Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/130

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Le fait est que jamais l’idée de faire la cour à mademoiselle de Saint-Geneix n’était entrée dans son esprit. Il s’en fût fait un cas de conscience des plus graves, et il ne transigeait pas avec sa conscience. Il avait subi insensiblement le charme très-vif et très-réel de Caroline, il s’y était livré sans arrière-pensée ; puis son frère, en cherchant à exciter sa jalousie, lui avait fait découvrir un penchant trop prononcé dans cette sympathie sans nom. Il avait horriblement souffert pendant quelques jours. Il s’était demandé s’il était libre, et il s’était vu placé entre une mère qui souhaitait pour lui un grand mariage et un fils auquel il devait les débris de sa fortune. Il avait prévu d’ailleurs une résistance invincible dans les scrupules de fierté de mademoiselle de Saint-Geneix. Déjà il connaissait assez son caractère pour être certain qu’elle ne consentirait jamais à se placer entre sa mère et lui. Également résolu à ne pas faire la sottise de se rendre inutilement importun et à ne pas commettre la lâcheté de surprendre la bonne foi d’une belle âme, il travailla à se vaincre, et parut s’être miraculeusement vaincu. Il joua son rôle assez bien pour que le duc y fût trompé. Tant de courage et de délicatesse dépassait peut-être la notion que celui-ci avait d’un devoir de ce genre. — Je m’étais abusé, pensa-t-il, mon frère est absorbé par la science de l’histoire. C’est de son livre qu’il faut lui parler.

Dès lors, le duc se demanda à quoi il allait employer son imagination pendant six mois d’une vie