Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/240

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me dit d’un ton courroucé, bien qu’à voix basse : « Allons donc ! que fais-tu là ? » Je m’élance, je salue la duchesse à mon tour, je cherche à regarder ma fiancée ; elle avait précisément le dos tourné. Mauvais augure ! Je recule vers la cheminée afin de me montrer dans tous mes avantages. La duchesse m’adresse la parole dans l’intention charitable de me faire briller. Mon Dieu, moi, j’étais tout prêt à parler comme un livre mais c’eût été peine perdue : mademoiselle de Xaintrailles ne me regardait point du tout et m’écoutait encore moins ; elle chuchotait avec ses jeunes compagnes. Enfin elle se retourne et me lance un coup d’œil très-étonné et encore plus froid. On me présente à sa voisine, mademoiselle de Dunières, une jeune bossue très-spirituelle à ce qu’il m’a semblé, et qui bien évidemment lui pousse le coude, mais en vain, et me voilà forcé de retourner à la tribune, c’est-à-dire à la cheminée, sans avoir provoqué la moindre rougeur. Je ne perds pas la tête, et, reprenant la conversation avec le duc, je prononce plusieurs phrases très-judicieuses sur la séance de la chambre, lorsque j’entends la musique de charmants éclats de rire mal étouffés partant du coin des demoiselles. Probablement on me trouvait stupide. Je ne me démonte pas, je continue, et après avoir convenablement montré la facilité de mon élocution, je m’enquiers du portrait historique, à la grande satisfaction du duc de Dunières, qui ne pensait pas à autre chose qu’à faire apprécier son acquisition. Pendant qu’il me conduit auprès pour