Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/369

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t’éloigne pas en nous plaignant ! Reste auprès de nous, et vois que nous sommes heureux ! La présence d’un vieux saint comme toi ne nous gêne pas. Tu ne nous comprendras peut-être pas, toi qui, au delà d’un certain devoir que je comprenais hier et que je n’admets plus aujourd’hui, ne veux plus rien entendre ; mais, malgré toi, tu me béniras et tu m’aimeras encore, car tu sentiras l’autorité et le droit de cet homme-là, qui est plus que tous les autres hommes, et en qui Dieu ne peut pas mettre autre chose que des paroles de vérité. Oui je l’aime,… je t’aime, toi que j’ai failli perdre aujourd’hui, et je ne te quitterai plus, je te suivrai partout ; ton enfant sera le mien, comme ta patrie est ma patrie, comme ta foi est ma foi. Il n’y a pas d’autre honneur en ce monde, il n’y a pas d’autre vertu devant Dieu que de t’aimer, de te servir et de te consoler.

M. de Villemer était debout et rayonnant d’une joie pure qui éblouissait et n’effrayait pas Caroline. Dans cette heure d’enthousiasme, il n’y avait pas de place, il n’y avait pas de souvenir pour le trouble des sens. Il la pressait sur son cœur avec cette sainteté du sentiment paternel qui était en lui, et que suscitait un instinct de protection puissante, droit d’une grande intelligence sur un grand cœur, et d’une âme supérieure sur une âme élevée par l’amour à son niveau.

Ils ne se demandaient ni l’un ni l’autre si la passion les emporterait un jour au delà de cette effusion sublime. Il faut dire à leur louange qu’ils ressentaient les infinies tendresses de l’amitié, enthousiaste, il est