Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/37

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mêmes. C’est, selon elle, une façon de s’abrutir pour se soustraire à l’ennui d’exister. Elle ne comprend cela que pour les malheureuses et les prisonnières. Et puis elle m’a doré la pilule en ajoutant que cela me donnait l’air d’une femme de chambre, et qu’elle voulait que pour tous les gens qu’elle reçoit je fusse sa compagne et son amie. Elle me pousse donc à la causerie et m’interpelle souvent pour me forcer à montrer mon esprit, ce que je me garde bien de faire, car je ne m’en sens pas du tout quand on me regarde et quand on m’écoute.

Je fais pourtant bien tout ce que je peux pour remuer, et je regrette beaucoup que ma vieille amie, puisque amie il y a, ne consente pas à recevoir de moi le plus petit service ; mais loin de là, elle sonne sa femme de chambre pour ramasser son mouchoir si je ne me précipite pas pour le saisir, et encore me reproche-t-elle de me trop dévouer sans s’apercevoir que je souffre de n’avoir aucun dévouement à exercer.

Tu te demandes dès lors pourquoi elle m’a pris à son service ; je vais te le dire : elle ne reçoit pas avant quatre heures, et jusque-là, c’est-à-dire aussitôt que le marquis la quitte, elle écoute la lecture des journaux et fait sa correspondance ; c’est donc moi qui lis et écris pour elle. Pourquoi elle ne lit pas et n’écrit pas elle-même, je n’en sais rien, car elle en est fort capable. Je crois deviner que la solitude lui est odieuse, et qu’il lui est impossible de réagir par une occupa-