Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/39

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à moi. Je ne me plairais qu’avec ceux que j’aime, et certainement la marquise ne peut pas aimer beaucoup les quarante ou cinquante personnes auxquelles elle écrit, et les deux ou trois cents qu’elle reçoit chaque semaine.

Mais il ne s’agit pas de mon goût, et je ne veux pas faire la critique de la personne à laquelle j’ai donné ma liberté. Ce serait lâche, car, après tout, si je n’estimais ni ne respectais cette personne, je serais libre de me présenter ailleurs. D’ailleurs, en supposant que mon respect et mon estime fussent attristés par quelque travers à supporter, comme partout je rencontrerais des travers et probablement de pires, je ne vois pas pourquoi je regarderais à la loupe ceux que je veux subir gaiement et philosophiquement. Donc, chère sœur, s’il m’arrive de blâmer ou de railler quelqu’un ou quelque chose d’ici, prends que cela m’échappe dans la conversation, et que je ne veux pas m’observer avec toi ; mais sois sûre que rien ne m’affecte et ne me crée de souffrances réelles.

Le fond de tout cela, c’est qu’il y a dans l’âme de la marquise quelque chose de fort, de chaud, de sincère par conséquent, qui m’attache véritablement à elle et qui me fait accepter sans aucune répugnance le soin de la distraire et de l’égayer. Je sais très-bien, quoi qu’elle en dise, que je suis auprès d’elle quelque chose de bien pis qu’une suivante : je suis une esclave ; mais je le suis de par ma volonté, et dès lors je me sens libre comme l’air dans ma conscience. Qu’y a-t-il