Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/40

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de plus libre que l’esprit d’un captif ou d’un proscrit pour sa foi ?

Je n’avais pas réfléchi à tout cela quand je t’ai quittée, ma sœur ; je croyais véritablement que j’aurais beaucoup à souffrir. Eh bien ! j’y ai réfléchi à présent, et sauf le manque d’exercice, qui est une chose toute physique, je n’ai pas du tout souffert. Cette petite souffrance m’est épargnée désormais, ne t’en tourmente pas. J’ai été forcée de l’avouer. Dès lors on me laisse dormir d’assez bonne heure, et je peux marcher le matin dans le jardin de l’hôtel, qui n’est pas grand, mais où je réussis à faire beaucoup de chemin, tout en pensant à toi et à nos vastes campagnes, où je me figure être encore avec les enfants autour de nous ; c’est un bon rêve qui me fait du bien.

Mais je m’aperçois que je ne t’ai encore rien dit de M. le duc ; je passe à ce chapitre.

Il n’y a pas plus de trois jours que je l’ai enfin aperçu. Je t’avoue que je n’en étais pas fort impatiente. Je ne peux pas me défendre d’un sentiment d’horreur pour cet homme, qui a ruiné sa mère, et qui, dit-on, est orné de tous les vices. Eh bien ! ma surprise a été très-grande, et si mon aversion pour son caractère persiste, je suis forcée de dire que sa personne ne m’est point antipathique, comme je me l’étais représentée.

Dans ma frayeur, je lui supposais des griffes et des cornes. Voici pourtant comment j’ai abordé ce démon sans le connaître. Il faut te dire que rien