Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/48

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il est homme de bonne compagnie quand il est en bonne compagnie, et jamais vous n’aurez à vous défendre d’une inconvenance de sa part. Tout au contraire, si vous n’y prenez garde, il vous persuadera qu’il est un ange repentant, peut-être même un saint méconnu, et… vous serez sa dupe.

Madame de D… dit ces dernières paroles d’un ton de compassion qui me blessa. J’allais répondre mais je me rappelai ce que j’avais entendu dire à une autre vieille dame : c’est que la fille de madame de D… avait été fort compromise par le duc. La pauvre femme doit horriblement souffrir quand elle le voit, et je m’explique comment une personne si indulgente pour tout le monde parle de lui avec tant d’amertume ; mais je ne m’explique pas trop pourquoi, malgré la répugnance qu’elle éprouve à le voir et à l’entendre nommer, elle me parle de lui avec une sorte d’insistance toutes les fois qu’elle peut me prendre à part. On dirait vraiment qu’elle me croit destinée à tomber dans les pièges de ce Lovelace, et qu’elle poursuit une vengeance en lui disputant ma pauvre âme.

Un instant de réflexion me fit trouver sa frayeur un peu risible, et, ne voulant ni m’en fâcher ni réveiller le sentiment de ses douleurs, j’ai, depuis ce moment-là, évité de lui parler de son ennemi. D’ailleurs le duc ne m’a plus adressé la parole ce soir-là, et depuis ce soir-là il n’a pas reparu. Si je cours des dangers, je ne m’en aperçois pas encore : mais, tu peux être