Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/79

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

comme une injure ! Ah çà ! marquis, tu lui as donc dit du mal de moi ?

— Je n’ai pas cette habitude-là, répondit le marquis avec la douceur de la vérité.

— Eh bien ! reprit le duc, je sais qui m’a perdu dans l’esprit de mademoiselle de Saint-Geneix. C’est une vieille dame dont les cheveux gris tournent au bleu ardoise, et qui a les mains si maigres que tous les matins il faut chercher ses bagues dans les balayures. Elle a parlé de moi l’autre soir pendant un quart d’heure avec mademoiselle de Saint-Geneix, et quand j’ai cherché le bon regard qui m’avait rajeuni le cœur, je ne l’ai pas plus retrouvé que je ne le retrouve aujourd’hui. Vois, marquis, il n’y a pas moyen. Ah çà ! pourquoi ne dis-tu plus rien, toi ? Tu avais commencé mon éloge, et mademoiselle de Saint-Geneix a l’air d’avoir confiance en toi ! Si tu recommençais un peu ?…

— Mes enfants, dit la marquise, vous reprendrez la discussion un autre jour ; j’ai à m’habiller et à vous parler avant qu’on ne vienne nous distraire. La pendule retarde peut-être de quelques minutes…

— Je crois même qu’elle retarde beaucoup, dit Caroline en se levant. Et, laissant le duc et le marquis soutenir leur mère jusqu’à sa chambre, elle passa vite au salon. Elle s’attendait à y trouver du monde, car le dîner s’était prolongé un peu plus que de coutume ; mais il n’y avait encore personne, et, au lieu de le parcourir en chantant, elle s’assit, pensive, auprès de la cheminée.