Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/86

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

qu’elle en ressentait, lui-même s’était hâté de la tranquilliser. Elle ne l’avait jamais vu irrésolu, et si son langage était souvent timide, sa conviction ne l’était jamais en quoi que ce fût. — Il faut, pensa-t-elle, que d’une part il m’ait jugée imprudente et qu’il sache que son frère est disposé à vouloir en abuser ; de l’autre, il faut que je sois déjà réellement plus nécessaire à sa mère chérie que je ne pouvais me le persuader. En tout cas, il y a là-dessous quelque chose que je ne sais pas et qu’il m’expliquera plus tard, j’imagine. Quoi que ce soit, je suis libre. Cinq cents francs ne m’enchaîneront pas un jour, une heure, à une position humiliante. Je n’ai pas encore fait partir ma réponse à Justine.

On voit combien l’honnête et droite conscience de mademoiselle de Saint-Geneix était loin de chercher dans les réticences du marquis un sentiment déplacé ou un instinct de jalousie. Si on eût interrogé le marquis au même moment, eût-il pu répondre avec autant d’assurance : « Il n’y a en moi que de l’estime affectueuse et de la sollicitude filiale ? »

En ce moment, le marquis était mécontent de son frère et l’écoutait avec une impatience assez pénible. Le duc, rentré au salon avec sa mère, était venu s’asseoir auprès de lui, derrière le piano, place isolée et protégée que le marquis affectionnait, et il lui parlait bas avec vivacité.

— Eh bien ! lui disait-il, tu l’as vue seule tout à l’heure : lui as-tu parlé de moi ?