Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/85

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Le marquis n’eut pas le temps de dire merci. On entrait au salon ; mais son regard fut d’une éloquence extraordinaire, et Caroline y retrouva la confiance et l’affection qui avaient paru se voiler au commencement de leur entretien. Les yeux du marquis avaient cette beauté surnaturelle que peut seule donner une âme ardente jointe à une grande pureté de pensées. Ils étaient la seule effusion que sa timidité ne vînt pas à bout de paralyser. Caroline l’avait compris, et rien ne la troublait, rien ne l’inquiétait dans le langage de ces yeux limpides, qu’elle interrogeait souvent comme un critérium pour la conscience de sa conduite et de son attitude.

Caroline avait réellement de la vénération pour cet homme dont tout le monde appréciait le caractère, mais dont tout le monde ne pénétrait pas l’intelligence et ne devinait pas la délicatesse. Cependant, malgré la satisfaction qu’elle éprouvait de leur entretien, elle cherchait en elle-même à l’éclaircir en le résumant. Elle pensait vite, et, tout en parcourant le salon pour en faire les honneurs dans la limite de grâce et de retenue qui lui était imposée et dont elle avait d’emblée saisi fort habilement la nuance, elle se demanda pourquoi le marquis avait paru flotter entre deux ou trois idées successives en lui parlant. D’abord il avait semblé disposé à lui reprocher sa confiance dans les flatteries du duc, ensuite il l’avait amicalement prémunie contre la durée de ces attaques, et enfin, lorsqu’elle s’était prononcée sur le déplaisir