Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/98

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ment agricole limite à de courts horizons les notions de chaque localité : il est donc impossible de se renseigner en marchant, à moins de connaître le nom et la position relative de toutes les petites bourgades ; sans une carte détaillée que je dois consulter à chaque pas, bien que je vienne ici pour la troisième fois depuis deux ans que Didier existe, je ne pourrais me diriger qu’à vol d’oiseau, chose tout à fait impraticable sur un sol coupé de profonds ravins, traversé en tous sens par de hautes murailles de lave et sillonné de nombreux torrents.

Mais il ne m’est pas nécessaire d’aller loin pour apprécier le caractère étrange et frappant du pays. Rien, mon ami, ne peut te donner l’idée de la beauté pittoresque de ce bassin du Puy, et je ne connais point de site dont le caractère soit plus difficile à décrire. Ce n’est pas la Suisse, c’est moins terrible ; ce n’est pas l’Italie, c’est plus beau ; c’est la France centrale avec tous ses vésuves éteints et revêtus d’une splendide végétation ; ce n’est pourtant ni l’Auvergne ni le Limousin que tu connais. Ici point de riche Limagne, arène vaste et tranquille de moissons et de prairies abritées au loin par un horizon de montagnes soudées ensemble ; point de plateaux fertiles fermés de fossés naturels. Non, tout est cime et ravin, et la culture ne peut s’emparer que de profondeurs resserrées et de versants rapides. Elle s’en empare, elle se glisse partout, jetant ses frais tapis de verdure, de céréales et de légumineuses avides de la cendre fer-