Page:Sand - Le Péché de Monsieur Antoine, Pauline, L’Orco, Calman-Lévy, 18xx, tome 1.djvu/131

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— Si vous en répondez sur votre tête, reprit Jean, que n’allez-vous tout de suite trouver M. de Boisguilbault ? c’est à deux pas d’ici. Quand vous vous serez entendu avec lui, je serai plus tranquille, car j’ai confiance en vous, et je vous confesse qu’une seule nuit passée en prison me rendrait fou. L’enfant du bon Dieu vous l’a dit, ajouta-t-il en désignant Gilberte, et l’enfant me connaît !

— J’y vais tout de suite, répondit Émile en se levant, et en jetant à Gilberte un regard enflammé de zèle et de dévouement. Voulez-vous me conduire ?

— Partons, dit le charpentier.

— Oui, oui, partez ! » s’écrièrent à la fois Gilberte, son père et Janille. Émile comprit que Gilberte était contente de lui, et il courut chercher son cheval.

Mais comme il descendait le sentier au pas avec le charpentier, M. de Châteaubrun courut après lui, et l’arrêta pour lui dire d’un air un peu embarrassé :

« Mon cher enfant, vous êtes généreux et délicat, je puis vous confier… je dois vous avertir d’une chose… de peu d’importance peut-être… mais qu’il est nécessaire que vous sachiez. C’est que… pour un motif ou pour un autre… enfin, je suis brouillé avec M. de Boisguilbault, il est donc inutile que vous lui parliez de moi… Évitez de prononcer mon nom devant lui, et de lui faire savoir que vous sortez de chez moi ; cela pourrait lui causer quelque humeur et refroidir ses bonnes dispositions à l’égard de notre pauvre Jean. »

Émile promit de se taire, et, perdu dans ses pensées, plus occupé de la belle Gilberte que de son protégé et de sa mission, il suivit son guide dans la direction de Boisguilbault.