Page:Sand - Le Péché de Monsieur Antoine, Pauline, L’Orco, Calman-Lévy, 18xx, tome 1.djvu/219

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

de toute espèce de regret ou d’intérêt particulier, j’ai senti le besoin de me rendre compte de la vie générale des êtres, et, par conséquent, du sens des lois divines appliquées à l’humanité.

« Quelques brochures saint-simoniennes m’étaient arrivées par hasard, je les lisais par désœuvrement, ne pensant point encore qu’on pût dépasser les hardiesses de Jean-Jacques et de Voltaire, avec lesquelles l’examen m’avait réconcilié.

« Je voulais connaître davantage les principes de cette nouvelle école, de là je passai à l’étude de Fourier. J’admis toutes ces choses, mais sans voir bien clair dans leurs contradictions, et sentant encore quelque tristesse à voir l’ancien monde s’écrouler sous le poids de théories invincibles dans leur système de critique, confuses et incomplètes dans leurs principes d’organisation.

« C’est depuis cinq ou six ans seulement que j’ai accepté, avec un parfait désintéressement et une grande satisfaction d’esprit, le principe d’une révolution sociale.

« Les tentatives du communisme m’avaient paru d’abord monstrueuses, sur la foi de ceux qui les combattaient. Je lisais les journaux et les publications de toutes les écoles, et je m’égarais lentement dans ce labyrinthe sans me rebuter de la fatigue.

« Peu à peu l’hypothèse communiste se dégagea de ses nuages ; de bons écrits vinrent porter la lumière dans mon esprit. Je sentis la nécessité de me reporter aux enseignements de l’histoire et à la tradition du genre humain.

« J’avais une bibliothèque assez bien choisie des meilleurs documents et des plus sérieuses productions du passé.

« Mon père avait aimé la lecture, et moi je l’avais haïe si longtemps, que je ne savais pas même ce qu’il m’avait