Page:Sand - Le Péché de Monsieur Antoine, Pauline, L’Orco, Calman-Lévy, 18xx, tome 1.djvu/72

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je vais vous rendre la liberté et la sécurité, en me portant caution pour vous. Vous en serez quitte pour quelques jours de prison, seulement pour la forme, je paierai toutes vos amendes, et vous pourrez alors marcher tête levée, est-ce clair ?

— Oh ! vous avez raison, mon père, s’écria Émile, vous êtes bon, vous êtes juste. Eh bien, Jean, vous ai-je trompé ?

— Il paraît que vous vous connaissiez déjà, dit M. Cardonnet.

— Oui, mon père, répondit Émile avec feu, Jean m’a rendu personnellement service hier soir ; et ce qui m’attache à lui encore plus, c’est que je l’ai vu ce matin exposer sa vie bien sérieusement pour retirer de l’eau un enfant qu’il a sauvé. Jean, acceptez les services de mon père, et que sa générosité triomphe d’un orgueil mal entendu.

— C’est bien, monsieur Émile, répondit le charpentier, vous aimez votre père, c’est bien. Moi aussi, je respectais le mien ! Mais voyons, monsieur Cardonnet, à quelles conditions ferez-vous tout ça pour moi ?

— Tu travailleras à mes charpentes, répondit l’industriel. Tu en auras la direction.

— Travailler pour votre établissement, qui sera la ruine de tant de gens !

— Non, mais qui fera la fortune de tous mes ouvriers et la tienne.

— Allons, dit Jean ébranlé : si ce n’est pas moi qui fais vos charpentes, d’autres les feront, et je ne pourrai rien empêcher. Je travaillerai donc pour vous, jusqu’à concurrence de mille francs. Mais qui me nourrira pendant que je vous paierai ma dette au jour le jour ?

— Moi, puisque j’augmenterai d’un tiers le produit de ta journée.