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DE M. ANTOINE.

à qui vous en avez, puisque je n’y comprends rien moi-même, pour l’instant !

— Je ne sais pas si vous vous jouez de moi, dit le marquis tout troublé ; mais que vouliez-vous donc me dire tout à l’heure ?

— Quelque chose qui vous eût fait plaisir, mais que je ne vous dirai pas, puisque vous n’avez plus votre tête.

— Jean, parlez, expliquez-vous, je ne puis supporter cette incertitude !

— Je ne puis la supporter non plus, dit Gilberte fondant en larmes : Jean, je ne sais pas ce que vous avez dit ou voulu dire de moi ; je ne sais pas quelle est ma situation ici, mais je la trouve insupportable ; allons-nous-en !

— Non… non… dit le marquis plein d’irrésolution et de honte ; il pleut encore, il fait un temps affreux, et je ne veux pas que vous partiez.

— Eh bien, pourquoi donc vouliez-vous la chasser tout à l’heure ? reprit Jean avec une tranquillité dédaigneuse ; qui peut rien comprendre à vos caprices ? Moi, j’y renonce, et je m’en vais.

— Je ne resterai pas ici sans vous ! s’écria Gilberte en se levant et en courant après le charpentier, qui faisait mine de partir.

— Mademoiselle… ou madame, dit M. de Boisguilbault en l’arrêtant et en retenant aussi le charpentier, daignez m’écouter, et si vous êtes étrangère aux tristes préoccupations dont je suis assailli en cet instant, pardonnez-moi une agitation qui doit vous paraître bien ridicule, mais qui est bien pénible, je vous assure ! Je vous en dois pourtant l’explication. On vient de me donner à entendre que vous n’étiez pas la personne que je croyais… mais une autre personne… que je ne veux point voir et point connaître… Mon Dieu ! je ne sais comment vous dire…