Page:Sand - Le Péché de Monsieur Antoine, Pauline, L’Orco, Calman-Lévy, 18xx, tome 2.djvu/88

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
85
DE M. ANTOINE

— Tu te fâchais, tu m’envoyais presque promener !

— Et vous me laissiez dire, dans ce temps-là. Je n’aurais jamais cru qu’après avoir eu tant de patience avec moi pendant si longtemps, un beau jour vous vous fâcheriez sans me dire pourquoi. Voyons, qu’est-ce qu’il y a donc à y faire, à cette maison de bois ?

— Il y a une diable de porte qui ne ferme plus.

— Le bois a joué ? Quand faut-il que j’y aille ?

— Demain. C’est pour cela que tu vas venir coucher chez moi ; il fait trop mauvais temps pour que tu retournes ce soir à Gargilesse.

— C’est vrai qu’il fait noir à se casser le cou. Prenez garde où vous marchez, vous allez dans le fossé ! Mais quand il pleuvrait des lames de faux, j’irais coucher ce soir à mon endroit.

— Tu as donc des affaires sérieuses ?

— Oui… Je veux voir mon petit Émile Cardonnet, à qui j’ai quelque chose à dire.

— Émile ? L’as-tu vu aujourd’hui ?

— Non, je suis parti de grand matin pour m’occuper de lui. Si vous n’étiez pas si drôle, on vous conterait ça, puisque vous savez le fond de son histoire.

— Je ne crois pas qu’il ait de secrets pour moi ; pourtant, s’il t’a confié quelque chose de plus qu’à moi, je ne veux pas le savoir.

— Soyez tranquille, je n’ai pas non plus envie de vous le dire.

— Et tu ne peux même pas me donner de ses nouvelles ? J’en suis fort inquiet. J’espérais le voir aujourd’hui, et c’est pour aller à sa rencontre que j’étais sorti.

— Ah ! alors, je comprends comment, vous qui ne sortez pas de votre parc, vous avez été si loin. Mais vous avez tort de suivre comme ça les prés. C’est coupé de ruisseaux qui ne sont pas minces, et voilà que je ne sais plus où nous