Page:Sand - Le Secrétaire intime — Mattéa — La Vallée noire, 1884.djvu/250

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Il ne l’avait que trop entendue, aussi joignait-il les mains d’un air consterné. Enfin, reprenant courage :

« Mais savez-vous, dit-il, que je ne suis nullement forcé de payer avant l’époque convenue ?

— Si je me rappelle bien l’état de nos affaires, cher monsieur Spada, répondit Timothée avec une tranquillité et une douceur inaltérables, vous devez payer à vue sur présentation de vos propres billets.

— Hélas ! hélas ! Timothée, votre maître est-il un homme capable de me persécuter et d’exiger à la lettre l’exécution d’un traité avec moi ?

— Non, sans doute  ; aussi, depuis cinq ans, vous a-t-il donné, pour vous acquitter, le temps de rentrer dans les fonds que vous aviez absorbés  ; mais aujourd’hui…

— Mais, Timothée, la parole d’un musulman vaut un titre, à ce que dit tout le monde, et ton maître s’est engagé maintes fois verbalement à me laisser toujours la même latitude  ; je pourrais fournir des témoins au besoin, et…

— Et qu’obtiendriez-vous ? dit Timothée, qui devinait fort bien.

— Je sais, répondit Zacomo, que de pareils engagements n’obligent personne, mais on peut discréditer ceux qui les prennent en faisant connaître leur conduite désobligeante.

— C’est-à-dire, reprit tranquillement Timothée, que vous diffameriez un homme qui, ayant des billets à ordre signés de vous dans sa poche, vous a laissé un crédit illimité pendant cinq ans ! Le jour où cet homme serait forcé de vous faire tenir vos engagements à la lettre, vous lui allégueriez un engagement chimérique  ; mais on ne déshonore pas Abul-Amet, et tous vos témoins attesteraient qu’Amet vous a fait verbalement cette concession avec une restriction dont voici la lettre exacte : M. Spada ne