Page:Sand - Le compagnon du tour de France, tome 1.djvu/157

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trépide un esprit de conciliation qui malheureusement doit échouer dans les luttes obscures où vous êtes engagé, mais qui rendra d’immenses services à la patrie, quand vous serez entré dans une voie plus large, plus féconde et plus digne de vous. Je ne veux pas vous en dire davantage maintenant. Vous ne pourriez pas m’accorder l’entière confiance à laquelle je prétends et que je saurai conquérir bientôt. D’ailleurs nous voici dans la ville, et il est très-important pour moi de n’être pas vu avec vous. Je ne vous recommande qu’une chose : c’est de vous informer de moi auprès des personnes dont voici le nom, et de vouloir bien vous trouver au rendez-vous indiqué sur cette carte. Elle vous servira de laissez-passer. Vous y viendrez avec certaines précautions que l’on vous indiquera, et vous serez libre de nous amener ceux de vos amis dont vous pouvez répondre comme de vous-même. Adieu, et au revoir.

L’étranger serra vivement la main de l’ouvrier, et s’éloigna d’un pas rapide.

CHAPITRE XIV.

Pierre n’eut pas le loisir de réfléchir longtemps à cette bizarre rencontre. Il avait beaucoup à faire ; car, malgré son découragement intérieur, il ne laissait pas de servir ses malheureux compagnons de tout son pouvoir. Il sentait si bien la sainteté de ce devoir-là qu’il ne voulut plus prendre en considération les inquiétudes et les impatiences de son père, et qu’il surmonta ses chagrins personnels avec héroïsme. Il courut toute la journée, avec le Dignitaire et les principaux membres de la société, de la prison à l’hôpital, de la demeure des autorités à celle des avocats. Il réussit à faire relâcher quelques-uns de ses com-