Page:Sand - Le compagnon du tour de France, tome 1.djvu/199

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Il était alors retombé sur les bras du comte de Villepreux, qui, trouvant sa société un peu fâcheuse et ses dettes un peu fréquentes, avait imaginé de s’en débarrasser au profit de la famille Clicot, en lui faisant épouser la riche héritière Joséphine. Les Clicot savaient fort bien d’avance que le marquis n’était ni beau, ni jeune, ni aimable ; que ses mœurs étaient aussi dérangées que sa fortune ; en un mot, que sa femme n’aurait aucune chance de bonheur et de véritable considération. Mais l’alliance avec la famille, comme le disait fort bien M. Lerebours, leur avait tourné la tête, et la petite Clicot s’était consolée de tout avec le titre de marquise.

Peu d’années suffirent à la désenchanter ; le marquis eut bientôt mangé d’une façon triviale la dot de sa femme. Les Clicot, voulant conserver à cette dernière des ressources pour l’avenir, offrirent une séparation amiable, réglèrent une pension de six mille francs au mari, à condition qu’il la mangerait à Paris ou à l’étranger, et reprirent leur fille. La mère Clicot étant morte pendant cet arrangement, le père Clicot s’était remis dans les affaires, afin de réparer la brèche faite à sa fortune ; et Joséphine avait été vivre avec lui et deux vieilles tantes dans une grosse maison de campagne très-bourgeoise, attenante à la fabrique, sur les bords du Loiret, à quelques lieues de Villepreux.

Au milieu du bruit et du mouvement sans charme et sans élégance de la vie industrielle, entourée de gens très-prosaïques et condamnée à une vie austère (car ses parents exerçaient sur elle la même surveillance que si elle eût été encore une petite fille), la pauvre Joséphine s’ennuya mortellement. Elle avait vu rapidement un coin du grand monde, et y avait pris le besoin immodéré de la vie élégante et de l’agitation frivole. Pendant un ou deux ans, elle avait eu à Paris un équipage, un bel appartement,