Page:Sand - Le compagnon du tour de France, tome 1.djvu/224

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Mais au moment où il essayait de les déchiffrer, encouragé par le sourire inspiré de la jeune sibylle, la porte se refermait sur lui avec violence, et sur le panneau de cette porte il voyait la figure d’Yseult ; mais ce n’était qu’une figure de bois sculpté, et il se disait : N’ai-je pas été bien fou de prendre cette sculpture pour un être vivant ?

Lorsqu’il s’éveilla de ce sommeil pénible, mécontent du trouble involontaire qui avait envahi ses pensées naguère si sereines, il résolut d’en finir avec son rêve en replaçant la porte. Son premier soin fut de la tirer du coin où il l’avait cachée. Les ferrures étaient encore bonnes, et, comme on lui avait prescrit de la remettre en quelque état qu’elle se trouvât, il approcha l’escalier roulant de la muraille et commença son travail.

Tandis qu’il frappait avec force, la face tournée vers l’atelier, mademoiselle de Villepreux entra dans son cabinet pour y chercher une note que lui demandait son grand-père ; et, lorsque Pierre se retourna, il la vit debout près d’une table, et feuilletant ses papiers sans faire attention à lui. Il était impossible pourtant qu’elle n’eût pas remarqué sa présence, car il faisait grand bruit avec son marteau.

Il y eut un instant de répit dans le tapage qu’il faisait. Il s’agissait de mesurer un morceau qui manquait en haut, dans la plinthe. En ce moment Pierre faisait face au cabinet. Il était sur le palier, et se sentait moins timide. Il eut la curiosité de regarder mademoiselle de Villepreux, comptant bien qu’elle ne s’en apercevrait pas. Elle lui tournait le dos ; mais il voyait sa taille frêle et gracieuse, et ses magnifiques cheveux noirs dont elle était si peu vaine qu’elle les portait en torsade serrée, quoiqu’à cette époque les femmes eussent adopté la mode des coques crêpées, orgueilleuses et menaçantes. Il y a dans l’absence de coquetterie quelque chose de touchant, que Pierre