Page:Sand - Le compagnon du tour de France, tome 1.djvu/39

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— Cette porte est aussi à réparer, dit-il ; car les armoiries qui forment le centre des médaillons ont été brisées.

— Oui, dans la révolution, répondit l’économe, en détournant les yeux d’un air hypocrite ; et ce fut une grande barbarie, car c’était l’œuvre d’un ouvrier bien habile, on n’en saurait douter.

Les joues du père Huguenin se colorèrent d’un rouge vif. Il connaissait bien le vandale qui avait donné jadis le meilleur coup de hache à cette dévastation.

— Les temps sont changés, dit-il avec un sourire où la malignité surmontait la confusion ; et les écussons aussi. Dans ce temps-là on brisait tout, et on ne se doutait guère qu’on se taillait de la besogne pour l’avenir.

— Ce n’est pas si mauvais pour vous, dit l’intendant avec un rire froid et saccadé dont il accompagnait toujours ce qu’il lui plaisait d’appeler ses traits de gaieté.

— Ni pour vous non plus, monsieur Lerebours, répondit le vieux menuisier. Si on n’avait pas enfoncé ces portes, vous n’en auriez pas aujourd’hui les clefs ; si on n’eût pas vendu ce château, la branche cadette des Villepreux n’aurait pas fait le bon marché de l’acheter en assignats à la branche aînée, et ne serait pas si riche à l’heure qu’il est.

— La famille de Villepreux a toujours été riche, dit M. Lerebours d’un ton altier ; et avant d’acheter cette terre, elle n’était pas, je pense, sur le pavé.

— Bah ! reprit le père Huguenin d’un ton goguenard ; à pied, à cheval ou en carrosse, nous y sommes tous sur ce pauvre pavé du bon Dieu !

Pendant cette digression, Pierre, examinant toujours la porte, essayait de l’ouvrir afin d’en voir les deux faces. M. Lerebours l’arrêta.

— On n’entre pas ici, dit-il d’un ton doctoral, la porte