Page:Sand - Le compagnon du tour de France, tome 1.djvu/41

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mais si monsieur votre fils était ici, il reconnaîtrait son erreur et ferait un autre plan.

— Sous votre direction, sans doute, monsieur l’entendu ?

— Sous celle du bon sens, monsieur l’économe ; et il m’en donnerait une que je pourrais suivre.

Le père Huguenin riait de plaisir dans sa barbe grise ; il était enchanté que son fils le vengeât des allusions de M. Lerebours.

— Voyons donc ce plan, dit-il d’un air capable ; et tirant de la poche de son gilet, qui lui descendait sur le genou, une paire de lunettes de corne, il s’en pinça le nez et fit mine de commenter la planche, quoiqu’il n’y comprît rien du tout. Le dessin linéaire était un grimoire qu’il avait toujours affecté de mépriser ; mais une foi instinctive lui disait en cet instant que son fils était dans le vrai. Il ne manqua pas d’affirmer que le plan était faux, que cela sautait aux yeux, et il le soutint avec tant d’aplomb que Pierre l’eût cru converti à l’étude du trait s’il ne se fût aperçu qu’il tenait la planche à l’envers. Il se hâta de la lui ôter des mains, de peur que l’économe, qui n’était du reste guère plus versé que lui dans cette partie, ne le remarquât.

— Monsieur votre fils peut être très-habile dans les ponts et chaussées, poursuivait le père Huguenin en ricanant ; mais il ne fait pas beaucoup d’escaliers sur les grandes routes, que je sache. Chacun son métier, monsieur Lerebours, soit dit sans vous offenser.

— Ainsi, vous refusez de faire cet escalier ? dit Lerebours en s’adressant à Pierre.

— Je me charge de le rectifier, répondit Pierre avec douceur. Ce ne sera pas difficile, et le mouvement sera le même. J’y ajouterai une rampe en chêne découpée à jour dans le style de la boiserie, et des pendentifs assortis à ceux de la voûte de la charpente.