Page:Sand - Le compagnon du tour de France, tome 1.djvu/47

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cernait leurs attributions. Le prix fut débattu avec une horrible ténacité de la part de Lerebours et une grande fermeté de la part de Pierre Huguenin. Ses prétentions étaient si modérées que son père, sachant bien que Lerebours voudrait les réduire sans pudeur, l’accusait secrètement de ne pas savoir faire ses affaires. Mais Pierre fut inébranlable, et l’architecte, forcé de convenir que la demande était sensée, termina le différend en disant tout bas à l’oreille de l’économe :

— Concluez vite avant que le père ne défasse le marché.

Le contrat fut donc signé. L’architecte se chargea de toiser à la fin des travaux. Après tout, au point où en sont les institutions qui sacrifient toujours l’ouvrier à celui qui l’emploie, l’affaire était bonne pour le maître menuisier.

— Allons, disait-il à son fils en revenant au logis, tu t’entends à toutes choses ; voici la première fois de ma vie que je termine un marché sur mon premier mot.

CHAPITRE IV.

À huit jours de là, les Huguenin, ayant achevé de remplir tous les engagements contractés envers leur clientèle villageoise, prirent possession de la chapelle et commencèrent les travaux. Ordinairement, à Paris, les ouvriers emportent les pièces d’ouvrage à leur domicile, et ne reviennent au local dont ils ont l’entreprise que pour poser et rajuster les parties. Mais, dans les châteaux, il est assez d’usage que le vaisseau en réparation devienne l’atelier des travaux communs.

Pierre était toujours levé avant le jour. Aux premiers rayons du soleil il promenait déjà le compas sur les vieux ais de chêne de la boiserie séculaire, et déjà la tâche était taillée aux apprentis lorsqu’ils arrivaient, les yeux encore