Page:Sand - Le compagnon du tour de France, tome 1.djvu/49

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

reiller et sa blouse de couverture. Mais, à mesure que le jour approchait, l’air devenait plus frais, l’humidité du matin pénétrait par les fenêtres dont la plupart des châssis étaient enlevés, et ce malaise du froid était augmenté par un peu de courbature que Pierre avait prise à se tenir tout le jour sur les échelles. Il chercha autour de lui s’il ne trouverait rien pour se réchauffer, et ses yeux se portèrent sur la vieille tapisserie qui couvrait la petite porte dont il a été parlé au précédent chapitre de cette histoire. La porte avait été enlevée pour être raccommodée, et la tapisserie seule restait. Pierre monta sur l’échelle, mais seulement alors il se souvint que le soigneux économe avait cloué cette tapisserie au mur de tous côtés pour empêcher la poussière ou les regards profanes de pénétrer dans le cabinet d’étude de mademoiselle de Villepreux.

Il se souvint aussi en cet instant du ton d’importance avec lequel l’intendant lui avait interdit d’entr’ouvrir cette porte, le jour où il avait voulu l’examiner des deux côtés. Un sentiment de curiosité s’empara de lui ; non cette curiosité vulgaire et intéressée qui est propre aux esprits étroits, mais ce besoin aventureux qu’éprouve une imagination vive, vouée à l’ignorance de la plupart des choses qu’elle pourrait comprendre. Le cabinet d’étude de la demoiselle du château doit être, pensa-t-il, rempli de ces objets d’art qu’on veut installer dans l’atelier. Il doit y avoir là des livres, des tableaux, et, à coup sûr, quelque ancien meuble fort curieux et fort intéressant pour moi. Je n’ai que deux ou trois clous à enlever ; je ne suis ni un espion ni un voleur : pourquoi l’air que ma poitrine exhale, pourquoi mon regard respectueux pour tout ce qui est beau, profanerait-il ce sanctuaire ?

Ce fut bientôt fait. Un coup de main dégagea un côté de la tapisserie, et Pierre entra dans le cabinet. C’était