Page:Sand - Le compagnon du tour de France, tome 1.djvu/66

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quettes respectives. Isidore fut mortifié de voir que la sienne était de coutil, tandis que celle du jeune vicomte était de velours, et il se promit d’en faire faire une semblable dès le lendemain, se réservant d’y ajouter un gland d’or.

— Eh bien ! où est donc le postillon ? demanda le comte avec impatience.

— Appelez donc le postillon, cria le valet de chambre.

— Il est incroyable que le postillon se fasse attendre ! vociféra M. Lerebours en se démenant à froid pour faire preuve de zèle.

Pendant ce temps, Isidore passait à l’autre portière afin de regarder la jolie marquise Joséphine des Frenays, nièce du comte de Villepreux. Elle seule fut affable pour lui, et cet accueil lui donna plus de hardiesse encore.

— Mademoiselle Yseult ne se souvient pas de moi ? dit-il en s’adressant à mademoiselle de Villepreux, après avoir échangé quelques mots avec Joséphine.

La pâle Yseult le regarda fixement d’un air indéfinissable, lui fit une légère inclination de tête, et reporta les yeux sur le livre de poste qu’elle consultait.

— Nous avons fait autrefois de belles parties de barres dans le jardin, reprit Isidore avec la confiance de la sottise.

— Et vous n’en ferez plus, répondit le vieux comte d’un ton glacial, ma petite-fille ne joue plus aux barres. — Allons ! postillon, cent sous de guides, ventre à terre !

— Pour un homme qui a tant d’esprit, se dit Isidore stupéfait en regardant courir la berline, voilà une parole bien oiseuse. Je sais bien que sa petite-fille ne doit plus jouer aux barres. Est-ce qu’il croit que j’y joue encore, moi ?

Remonter sur son bidet et suivre la voiture, fut pour Lerebours père l’affaire d’un instant. S’il était parfois troublé, irrésolu à la veille de l’événement, on le retrouvait toujours à la hauteur de sa position dans les grandes