Page:Sand - Le compagnon du tour de France, tome 1.djvu/67

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choses. Il prit donc résolument le galop, ce qui ne lui était pas arrivé depuis longtemps, non plus qu’à son bidet.

— Le Solognot de votre papa court bien ! dit le garçon d’écurie en amenant à Isidore, d’un air demi-niais, demi-narquois, son bidet noir.

— Mon Beauceron court mieux, répondit Isidore en lui jetant une pièce de monnaie d’une manière méprisable qu’il croyait méprisante, et il fit mine d’enfourcher le bidet ; mais le Beauceron, qui avait ses raisons pour n’être pas de bonne humeur, commença à reculer et à détacher des ruades de mauvais augure. Isidore l’ayant brutalisé sur nouveaux frais, il fallut bien se soumettre ; mais Beauceron, en sentant l’éperon lui déchirer le flanc, partit comme un trait, l’oreille couchée en arrière et le cœur plein de vengeance.

— Prenez garde de tomber, pas moins ! cria le garçon d’écurie, en faisant sauter dans le creux de sa main la mince monnaie qu’il venait de recevoir.

Isidore, emporté par Beauceron, passa auprès de la berline avec le fracas de la foudre. Les chevaux de poste en furent effrayés et se jetèrent un peu de côté, ce qui tira le vieux comte de sa rêverie et mademoiselle Yseult de sa lecture.

— Ce butor va sa se casser la mâchoire, dit M. de Villepreux avec indifférence.

— Il nous fera verser, répondit Yseult avec le même sang-froid.

— Il n’a pas changé à son avantage, ce jeune homme, dit la marquise avec un ton de bonté compatissante qui fit sourire sa compagne.

Isidore, arrivé à une côte assez rude, ralentit son cheval afin d’attendre la voiture. Il n’était pas fâché de se montrer aux dames sur cette vigoureuse bête qui le se-