Page:Sand - Le compagnon du tour de France, tome 1.djvu/92

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CHAPITRE IX.

Quand la nuit fut tout à fait tombée, Pierre se disposa à partir pour Blois avec Amaury, qui s’y rendait aussi. Il n’avait pas voulu troubler l’entretien philosophique du souper par la préoccupation de ses propres affaires ; mais il lui tardait de se trouver seul avec son ami. Le Vaudois les supplia tous deux de passer la nuit sous son toit ; mais ils alléguèrent que tous leurs moments étaient comptés. Le Corinthien promit que, s’il s’arrêtait à Blois, comme il en avait le dessein, il reviendrait souvent vider une bouteille de bière sous le Berceau de la Sagesse ; et Pierre, qui songeait à reprendre le plus tôt possible le chemin de son village, s’engagea à s’arrêter quelques instants au retour pour serrer, au passage, la main du vieux charpentier. L’orage avait inondé, en plusieurs endroits, l’oseraie où serpente le chemin. L’invalide leur en enseigna un plus sûr, et les guida lui-même pendant un quart de lieue, marchant devant eux avec une agilité et une adresse remarquables. Quand il les eut mis sur la route, il leur souhaita le bonsoir et la bonne chance.

— Allons, leur dit-il, je vous reverrai bientôt ; car, certes, vous allez tous deux rester à Blois. J’irai vous y voir, si vous ne venez pas chez moi. Je ne vais pas souvent à la ville, mais il y a des occasions… et celle qui se prépare…

— Quelle occasion ? demanda l’Ami-du-trait.

— C’est bon, c’est bon, repartit Vaudois. Vous avez raison de ne pas parler de cela. Je ne suis pas de votre métier, et je suis censé ne rien savoir. J’estime la discrétion, et ne veux point la confondre avec la méfiance en ce qui me concerne ; quoique, après tout, quand on est du même Devoir, ou pourrait bien se confier certaines