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LE COMPAGNON

— Dis dans la foi et dans l’espérance !

— Pierre, c’est mademoiselle de Villepreux qui t’a soufflé ces folles théories. Elles sont bien faciles à ces gens-là. Ils sont riches et puissants : ils jouissent de tout, et ils nous conseillent de vivre de rien.

— Laisse là mademoiselle de Villepreux, répondit Pierre. Je ne vois pas ce qu’elle a de commun avec ce que nous disions.

— Pierre, dit Amaury vivement, je t’ai dit tous mes secrets, et tu ne m’as jamais dit les tiens. Est-ce que tu crois que je ne les lis pas dans ton cœur ?

— Laisse-moi, Amaury, ne me fais pas souffrir inutilement. Je respecte, je révère mademoiselle de Villepreux, cela est certain. Il n’y a point de secret là-dedans.

— Tu la respectes, tu la révères… et tu l’aimes !

— Oui, je l’aime, répondit Pierre en frissonnant. Je l’aime comme la Savinienne t’aime !

— Tu l’aimes comme j’aime la marquise !

— Oh ! non, non, Amaury, cela n’est pas. Je ne l’aime pas ainsi !

— Tu l’aimes mille fois davantage !

— Je n’en suis pas amoureux, non ! le ciel m’est témoin…

— Tu n’oses achever. Eh bien, il est possible que tu n’en sois pas amoureux, je ne te souhaite pas un pareil malheur ; mais tu l’adores, et tu le trouves heureux d’être l’esclave conquis et enchaîné de cette dame romaine…

Cette conversation fut interrompue par un domestique qui vint, du côté du parc, dire au Corinthien que le comte désirait lui parler. Le Corinthien se rendit à cet ordre, bien éloigné de pressentir l’importance de l’entrevue qu’on lui demandait.

Pierre resta quelques instants absorbé et troublé des insinuations que son ami venait de faire. Puis,