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LE COMPAGNON

pas des meilleurs ; c’est-à-dire que, sans faire d’objections aux décrets violents du gouvernement, il avait été entraîné par son caractère facile et débonnaire à plus de douceur et d’humanité que ses fonctions n’en comportaient. Destitué dans le midi, il avait dû à la protection de M. de Talleyrand, qui aimait son esprit, et qui avait fait valoir la mort d’Eugène Villepreux (fils de notre vieux comte et père d’Yseult, tué au service durant la guerre d’Espagne), la compensation d’une préfecture plus importante. Sa fortune avait grossi dans ces emplois et dans d’heureuses spéculations dont il avait le goût et l’intelligence. Destitué au retour des Bourbons, mal vu par un parti qui lui reprochait sa conduite durant la révolution et son rôle sous l’empire, il se donna une attitude d’opposition libérale. Il avait manqué la pairie, il la méprisa ou parut la mépriser, et se fit nommer député.

Les nobles de sa famille et de son voisinage l’accusaient de petitesse d’esprit, de perfidie et d’ambition, tandis que les libéraux lui attribuaient une grande force d’âme, une énergie toute républicaine, et des vues profondes en politique. Il faut bien vite dire que le bon vieux seigneur, homme d’esprit et charmant orateur de salon, ne méritait

Ni cet excès d’honneur, ni cette indignité.

Il faisait une opposition de bon goût et sans éclat. Il avait tant de sel et d’enjouement, que c’était plaisir de l’entendre se moquer du pouvoir, de la famille royale, des favorites ou des prélats en faveur. Quand il se lançait ainsi dans la satire, Voltaire tout entier ressuscitait dans ses traits et dans sa personne, et il n’était pas un électeur libéral qui eût pu refuser son vote à un candidat qui l’avait fait si bien dîner et si bien rire.

L’acte qui releva le plus son caractère politique fut celui qui venait de le ramener à son manoir de Villepreux à