Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol1.djvu/136

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accoururent par derrière eux, tuèrent et volèrent ce voyageur, si vite, que sa femme ne le vit point, et, revenant pour l’appeler, le trouva mort en travers du chemin.

» À cette vue, elle tomba mourante, et je vis qu’elle était enceinte.

» Je ne savais comment la soulager et la consoler. À genoux près d’elle, je priais et je pleurais, lorsqu’un homme à la moustache grise et tout habillé de noir parut à cheval, et vint savoir pourquoi je pleurais ainsi. Je lui montrai cette femme couchée sur le corps de son mari. Il lui parla en plusieurs langues, car il était un grand savant ; mais il vit bientôt qu’elle n’était pas en état de répondre.

» La secousse qu’elle venait d’éprouver hâtait son accouchement.

» Des bergers passaient avec leurs troupeaux. Il les appela ; et, comme ils virent que cet homme de bien était un prêtre de leur religion chrétienne, ils obéirent à son commandement et portèrent la femme dans leur maison, où elle mourut, une heure après avoir mis Mario au monde, et après avoir donné au prêtre la bague de mariage qu’elle avait au doigt, sans pouvoir rien expliquer, mais en lui montrant l’enfant et le ciel !

» Le prêtre s’arrêta chez les bergers pour faire ensevelir ces pauvres morts, et, comme il crut que j’avais été l’esclave de cette dame, il me confia l’enfant en me disant de le suivre. Mais je ne voulus pas le tromper, ayant connu qu’il était savant et humain. Je lui dis mon histoire, et comment j’avais vu, par hasard, l’assassinat du colporteur. »

— C’était donc un colporteur ? dit le marquis.

— Ou un gentilhomme déguisé, répondit Mercédès ; car sa femme avait, sous sa pauvre cape, les vêtements