Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol1.djvu/146

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Adamas se tut brusquement en voyant le marquis profondément absorbé devant le chien d’étoupe, tandis qu’une grosse larme creusait un sillon dans le fard de sa joue.

— J’ai fait quelque sottise ! s’écria le vieux serviteur. Pour Dieu, mon bon cher maître, d’où vient que vous pleurez ?

— Je ne sais… un moment de faiblesse ! dit le marquis en s’essuyant de son mouchoir parfumé, où s’imprima une notable partie des roses de son teint ; j’ai cru reconnaître ce jouet, et, si je ne me trompe, c’est là une relique qu’il ne faut point donner, Adamas !… Cela vient de mon pauvre frère !

— Vraiment, monsieur ? Ah ! je ne suis qu’un sot ! J’aurais dû m’en aviser. J’ai pensé, moi, que cela vous avait amusé quand vous étiez petit enfant.

— Non ! quand j’étais petit enfant, je n’avais point de jouets. C’était un temps de guerre et de tristesse en ce pays ; mon père était un homme terrible et me faisait voir, pour récréation, des carcans, des chaînes, des paysans sur le chevalet et des prisonniers pendus aux ormes du parc… Plus tard, beaucoup plus tard, il eut une seconde femme et un second fils.

— Je le sais bien, monsieur ; le jeune monsieur Florimond, que vous avez tant aimé ! La fleur des gentilshommes, bien certainement ! Disparu d’une si étrange manière !

— Je l’aimais plus que je ne saurais le dira, Adamas ! non point tant pour les rapports que nous eûmes ensemble quand il eut âge d’homme, puisque alors nous suivions des partis différents, et que nous nous rencontrions bien peu, le temps seulement de nous embrasser et de nous dire que nous étions amis et frères quand