Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol1.djvu/154

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Malgré cette large hospitalité et ce nombreux personnel, qui n’étaient point en rapport avec l’exiguité du manoir, le revenu du marquis faisait face à tout, et il avait toujours de l’argent de reste pour ses innocentes fantaisies.

Il n’était guère volé, bien qu’il ne s’occupât d’aucune comptabilité ; Adamas et Bellinde se détestant, ils se surveillaient l’un et l’autre, et, quoique Bellinde ne fût pas femme à se priver d’un peu de pillage, la crainte de donner prise aux soupçons de son ennemi la rendait prudente et forcément modérée à l’article des profits. Largement payée et toujours magnifiquement habillée aux frais du châtelain, qui tenait à ne voir « chiffons ni crasse » autour de lui, elle n’avait certes pas de prétexte pour malverser ; mais elle ne s’en plaignait pas moins, étant de celles qui chérissent un sou volé et dédaignent un louis bien acquis.

Quant à Adamas, s’il n’était pas la probité même dans toutes ses relations (ayant fait la guerre et pris les mœurs des partisans), il aimait tellement son maître, que si, dans le poste éminent d’homme de confiance où il était parvenu, il eût encore osé piller et rançonner les gens du dehors, c’eût été uniquement pour enrichir le manoir de Briantes.

Clindor faisait cause commune avec lui contre la Bellinde, qui le haïssait et le traitait de chien habillé.

C’était un bon petit garçon, moitié fin et moitié sot, ne sachant encore s’il devait se draper en homme du tiers, titre qui prenait chaque jour plus d’importance réelle, ou se blasonner en futur gentilhomme, vanité qui devait encore longtemps retenir le tiers dans une attitude équivoque et lui faire jouer, en dépit de sa supériorité intellectuelle, un rôle de dupe entre les partis.