Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol1.djvu/156

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nom s’éteindra avec moi. J’ai bien quelques arrière-cousins dont je ne me soucie guère et qui perpétueront, s’ils le peuvent, le nom de mon père ; mais, moi, je serai le premier et le dernier des Bois-Doré, et mon marquisat ne passera à personne, puisqu’il est tout honorifique et de bon plaisir royal.

— J’y ai souvent songé, et je regrette que monsieur ait eu la tête trop vive pour consentir à faire une fin à sa vie de jeune homme, en épousant quelque belle nymphe de ces contrées.

— Sans doute, j’ai eu tort de n’y pas songer. J’ai trop couru de belle en belle, et, bien que je n’aie guère rencontré M. d’Urfé, je gagerais qu’entendant parler de moi en quelque lieu, il m’a voulu peindre sous les traits du berger Hylas.

— Et quand cela serait, monsieur ? Ce berger est un fort aimable homme, infiniment spirituel, et le plus divertissant, selon moi, de tous les héros du livre.

— Oui ; mais il est jeune, et je te répète que je commence à ne plus l’être et à regretter fort amèrement de n’avoir point de famille. Sais-tu que vingt fois j’ai eu l’idée ou formé le souhait d’adopter quelque enfant ?

— Je le sais, monsieur ; toutes les fois que vous voyez un enfantelet joli et plaisant, cette idée vous reprend. Eh bien, qui vous en empêche ?

— L’embarras d’en trouver un qui soit d’une heureuse figure, d’un bon naturel, et qui n’ait point de parents disposés à me le reprendre quand je l’aurai élevé ; car de raffoler d’un enfant pour qu’à l’âge de vingt ou vingt-cinq ans on vous l’emmène…

— D’ici là, monsieur…

— Eh ! le temps passe si vite ! on ne le sent point passer ! Tu sais que j’avais songé à prendre chez moi