Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol1.djvu/168

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Lauriane ne voyait plus d’Alvimar. Perdue dans une douce rêverie, elle ne voyait pas non plus Lucilio. Elle était transportée dans le passé, et, songeant à Charlotte d’Albret, elle se disait :

— Non, non, je n’écouterai jamais la voix du démon ! — Ami, dit-elle en se levant, lorsque le sourdelinier s’arrêta, tu m’as fait grand bien, et je te remercie ; je n’ai rien à t’offrir qui puisse payer les belles pensées que tu sais faire comprendre ; c’est pourquoi je te prie d’accepter ces douces violettes, qui sont l’emblème de ta modestie.

Elle avait refusé ces violettes à d’Alvimar, et elle affectait de les donner au pauvre musicien, devant lui.

D’Alvimar sourit de triomphe, se croyant provoqué par une agacerie plus provoquante qu’un aveu. Mais ce n’était point là la pensée de Lauriane ; car, feignant d’attacher son bouquet au chapeau du sourdelinier, elle dit tout bas à celui-ci :

— Maître Giovellino, je vous demande d’être un père pour moi, et de ne me point quitter d’un pas que je ne vous le dise.

Grâce à sa vive pénétration italienne, Lucilio comprit.

— Oui, oui, j’entends, lui répondit-il de son regard expressif ; comptez sur moi !

Et il vint s’asseoir sur les grosses racines du vieil if, à une distance respectueuse, comme un serviteur qui attend les ordres qu’on voudra lui donner, mais assez près pour ne pas permettre à d’Alvimar de dire un mot qu’il n’entendît fort bien.

D’Alvimar devina tout. On avait peur de lui ; c’était encore mieux ! Il avait un si profond dédain pour le sonneur de cornemuse, qu’il se remit à faire sa cour devant lui comme devant une bûche.