Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol1.djvu/271

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— Je suis pris, dit-il. J’ai voulu être complaisant comme vous l’exigiez, pour en finir et vous débarrasser de ce vieux lunatique. J’ai dit tout ce qu’il a voulu me faire dire, et maintenant sa fantaisie prend un autre vol, où je ne puis la suivre. Tout ceci est de ma faute ; j’aurais dû vous raconter, en sortant de chez lui, qu’il était depuis deux jours en démence, à preuve qu’il a été hier, on pourra vous le dire, demander la main de madame de Beuvre, et que, tout aujourd’hui, il a fait sur la mort de son frère les plus étranges romans, prenant pour des assassins tantôt moi, tantôt son muet, tantôt son petit chien. Je n’ai pu éviter de me prendre à la gorge avec lui qu’en lui faisant des contes qui étaient la monnaie de sa pièce ; mais il ne s’est calmé qu’en vous voyant arriver.

— Que ne disiez-vous tout cela ? s’écria Guillaume.

— Je n’ai pas voulu me plaindre des ennuis que j’ai essuyés en sa compagnie ; vous eussiez cru que je vous faisais un reproche de m’y avoir laissé. À présent, il ne me reste qu’un moyen d’en finir. Laissez-moi me battre avec lui.

— Avec un vieillard en démence ? Je ne le puis souffrir.

— Allons, Guillaume, s’écria Bois-Doré impatienté, voulez-vous, maintenant, me laisser venger mon injure, et faudra-t-il que, pour réveiller M. d’Alvimar, j’aille lui faire l’honneur de le souffleter ?

— Nous sommes à vous, monsieur, répondit d’Alvimar en haussant les épaules. Allons, mon cher, dit-il tout bas à Guillaume, vous voyez qu’il le faut ! N’ayez peur ! J’aurai vite raison de cette vieille marionnette, et vous promets de lui faire sauter son épée autant de fois qu’il vous plaira. Je me charge de le fatiguer assez pour