Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol1.djvu/311

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et du plus humble travail sous la protection d’un pauvre prêtre, c’était la première fois de sa vie qu’elle se voyait richement vêtue, accueillie avec affection par des gens riches, et applaudie pour sa grâce et sa beauté, sans arrière-pensée outrageante.

Elle ne comprit pas d’abord ; elle eut peur, elle voulut s’enfuir. Mais Adamas se servit à propos des cinq ou six mots d’espagnol qu’il savait, pour la rassurer tout bas et lui faire comprendre qu’elle plaisait.

Mercédès chercha des yeux la personne qui l’intéressait le plus dans l’auditoire, et vit près d’elle dans la coulisse, le directeur Lucilio qui l’applaudissait aussi.

Une flamme jaillit de ses yeux noirs ; puis, effrayée de cet éclair de bonheur, dont elle ne se rendait pas compte, elle abaissa ses longues paupières, qui dessinèrent leurs ombres veloutées sur ses joues brûlantes. Elle parut encore plus belle sans que l’on sût pourquoi, et on l’applaudit de nouveau.

Quand elle eut repris courage, elle chanta en arabe ; après quoi, elle fit, aux questions du vieillard Adamas, des réponses dont il eut l’air de ne se point payer.

Après un débat en pantomime accompagnée de musique, elle lui promit l’enfant qu’il cherchait, à la condition qu’il subirait encore l’épreuve de combattre une affreuse tarasque de papier doré, qui arriva sur le théâtre en rampant et en vomissant des flammes.

L’intrépide Adamas, résolu à tout pour ramener au bercail l’enfant de son maître, s’élança au-devant du dragon, et il allait le percer de son glaive invincible, lorsque la tarasque se déchira comme un vieux gant, et le beau Mario sortit de ses flancs, habillé en Cupidon, c’est-à-dire en satin rose et or brodé de fleurs, la tête