Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol1.djvu/329

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

où la nature finit par ne plus nourrir l’homme, où la terre épuisée manque sous lui[1]. » Ce n’étaient pas les hommes vieillis dans les luttes du siècle précédent qui pouvaient rajeunir le siècle nouveau ; mais les enfants avaient du cœur ; ils en ont toujours quand on les laisse faire !

Lauriane, enthousiasmée de la belle conduite des Rohan et des La Force à Montauban, poussait donc son père au départ, croyant qu’il ne songeait qu’à relever l’honneur de la cause, et qu’il ne voyait dans tout cela, comme elle, que la dignité et la liberté de la conscience, octroyées par Henri IV, à conserver au prix de la fortune, de la vie, s’il le fallait.

Elle ne versa pas une larme en lui donnant le dernier baiser ; elle le suivit des yeux sur le chemin, tant qu’elle put le voir ; et, quand, elle ne le vit plus, elle rentra dans sa chambre et se mit à sangloter.

Mercédès, qui travaillait dans le cabinet, l’entendit, vint sur le seuil, et n’osa approcher. Elle regrettait de ne pas savoir sa langue pour essayer de la consoler.

Cette fille aux instincts maternels ne pouvait voir souffrir un jeune cœur sans souffrir elle-même et sans avoir besoin de le secourir. Elle imagina d’aller chercher Mario : il lui semblait qu’aucune douleur ne pouvait résister à la vue et aux caresses de son bien-aimé.

Mario vint doucement sur la pointe du pied, et se trouva tout près de Lauriane, sans qu’elle l’eût entendu venir. Lauriane était déjà sa sœur chérie. Elle était si bonne pour lui, si enjouée à l’ordinaire, si soigneuse de le faire amuser, quand il passait la journée chez elle !

En la voyant pleurer, il fut intimidé : il croyait,

  1. Michelet, lettre inédite.