Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol1.djvu/95

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

témoin Sancho Pança, qui disait de si fortes vérités à son maître. Mais Bois-Doré, qui n’était qu’un excellent homme, jouissait du privilége d’être un demi-dieu pour son laquais ; et, tandis que des héros ont été la risée de leurs gens, ce vieillard si moquable était pris au sérieux par la plupart des siens.

Ainsi vont les choses en ce monde. Chacun a pu, comme moi, remarquer qu’elles allaient quelquefois tout au rebours de la logique et du sens commun.

Pourtant, celle-ci s’expliquait par l’immense bonté du vieux gentilhomme. Les grands caractères rendent trop exigeant. À la moindre faiblesse de leur part, on s’étonne ; à la moindre impatience, on se scandalise. Celui qui n’a pas de caractère du tout n’irrite jamais personne et recueille les avantages de sa continuelle débonnaireté.

— Monsieur le marquis, dit Adamas, un genou en terre pour déchausser sa vieille idole, il faut que je vous raconte une aventure bien singulière arrivée tantôt en votre châtellenie.

— Parle, mon ami, parle, puisque tu as envie de parler, répondit Bois-Doré, qui permettait à son attifeur de babiller familièrement avec lui, et qui, d’ailleurs, à moitié endormi, aimait à se faire bercer par quelque innocent commérage.

— Vous saurez donc, mon cher et bien-aimé maître, reprit Adamas avec son accent gascon que nous ne chercherons pas à indiquer, que, vers les cinq heures de ce soir, il est venu ici une femme fort étonnante, une de ces pauvres femmes comme nous en avons vu tant sur les côtes de la Méditerranée et dans les provinces du Midi ; vous savez, monsieur, des femmes assez blanches, avec