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Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol1.djvu/96

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de fortes lèvres, de beaux yeux et des cheveux noirs… comme les vôtres !

En faisant cette comparaison sans aucune malice, Adamas portait respectueusement sur un champignon d’ivoire la perruque de son maître.

— Tu veux parler, lui dit Bois-Doré sans se troubler de l’objet de la comparaison, de ces Égyptiennes qui font toutes sortes de tours ?

— Non pas, monsieur, non pas ! Celle-ci est une Espagnole qui, je le crois bien, jure par Mahomet quand elle est toute seule.

— Alors, tu veux dire que c’est une Morisque ?

— Voilà, justement, monsieur le marquis ; c’est une Morisque, et elle ne sait pas un mot de français.

— Mais tu sais un peu d’espagnol ?

— Un peu, monsieur. J’ai si peu oublié ce que j’en savais, que je me suis mis à parler avec cette femme presque aussi couramment que je vous parle.

— Eh bien, est-ce là toute l’histoire ?

— Oh ! non pas ; mais donnez-moi le temps ! Il paraît que cette Morisque était de la grande bande des cent cinquante mille qui périrent quasi tous, il y aune dizaine d’années, les uns par la faim et le meurtre, sur les galères chargées de les transporter en Afrique, les autres par misère et maladie, sur les côtes du Languedoc et de la Provence.

— Pauvres gens ! dit Bois-Doré. Ceci est bien la plus détestable action du monde !

— Est-il vrai, monsieur, que l’Espagne ait mis dehors un million de ces Morisques, et qu’à peine une centaine de mille soit arrivée en Tunis ?

— Je ne te saurais dire le nombre ; mais je te dirai bien que ce fut une boucherie, et que jamais bêtes de