Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/129

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crains, maigre chère. Le grand queux dont on vous avait parlé est en son lit, en train de crever, et l’hôtesse perd la tête. Le valet est un traître que nous devons surveiller, et la servante est une vieille sotte épeurée qui casse tout et n’avance à rien.

— C’est que vous leur parlez durement, mon ami ! Vous avez toujours l’injure et la menace à la bouche ! Mille tonnerres du diable ! mon épouse vous l’a dit souvent, vous manquez de savoir-vivre. Où est-elle, cette hôtesse de malheur, que, d’une vingtaine de soufflets, je lui remette le cœur au ventre ?

Et, marchant lourdement jusqu’à l’escalier, il appela madame Pignoux en la gratifiant des épithètes les plus grossières, apparemment pour donner à son lieutenant l’exemple de la douceur et de la politesse.

Toute cette conversation était faite en français.

Macabre, Allemand d’origine, était né à Bourges et avait passé sa jeunesse en Berry. En dehors d’un certain vocabulaire à l’usage de son commandement, il parlait mal et sans plaisir la langue de ses pères. L’Italien Saccage écorchait le français avec plus de facilité que l’allemand. Ils avaient donc peine à se bien entendre quand ils voulaient se servir de cette langue, et d’ailleurs ils se sentaient tellement maîtres de la situation qu’ils ne daignaient pas s’observer devant Mario et devant les gens de la maison. Mario, qui avait beaucoup risqué en essayant de faire rebrousser chemin aux reîtres, et qui pouvait être démenti d’un moment à l’autre par quelque envoyé véritable de Sanche ou de La Flèche, sentit qu’il serait trop audacieux d’insister pour le moment. Il feignit l’indifférence et la distraction, tout en arrangeant le couvert, mais sans perdre un mot de ce que disaient les deux routiers.