Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/130

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Il est bien vrai que Sanche avait promis d’envoyer un exprès à Étalié, où il avait marqué la dernière étape des reîtres. Mais cet exprès, qui était un bohémien comme les autres, et qui espérait la prise et le pillage du château de Briantes sans le secours des Allemands, se garda bien de faire la commission, et alla marauder dans le bourg abandonné, en attendant l’heure de l’assaut du manoir par ses camarades.

L’hôtesse, appelée si poliment par Macabre, monta et fit bravement tête.

— De quoi servent les gros mots, capitaine Macabre ? dit-elle en mettant le poing sur sa hanche. Nous nous connaissons de vieille date, et je sais fort bien que vous payerez votre écot et celui de vos démons de lansquenets[1] en jurons et casserie. Ce n’est point pour mon plaisir que je vous reçois, et je n’ignore point que c’est plutôt pour ma ruine. Mais je suis une femme raisonnable et pas plus sotte qu’une autre. Je fais donc contre fortune bon cœur et vous sers de mon mieux, afin d’éviter les mauvais traitements et d’être plus vite débarrassée de vos visages… Si vous avez un peu de raisonnement vous-même, capitaine, vous vous direz qu’il ne me faut molester inutilement, mais bien me laisser faire et vous souvenir que je sais frire et rôtir aussi bien qu’une autre.

— Et qui es-tu donc, la vieille raisonneuse ? dit le capitaine en essayant de tourner son cou ankylosé dans son hausse-col de fer, pour regarder madame Pignoux.

— Je suis de mon nom de fille, Marie Mouton, que vous avez eue pour cantinière durant le siége de Sancerre,

  1. On appelait encore en France les reîtres lansquenets, bien qu’ils ne portassent plus la lance.