Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/145

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au-dessus des autres, qui l’avaient couverte jusque-là.

— Pouah ! comme ça sent le graillon brûlé ! criait-elle ; c’est une infection ici ! Montons, montons vite ! Allons donc, lieutenant, donnez-moi la main, sacrebleu !

M. de Bois-Doré et son fils se regardèrent et baissèrent aussitôt le nez sur leurs casseroles.

Cette amazone, qui, après avoir causé et discuté confidentiellement avec le capitaine et le lieutenant sur le seuil de l’auberge, traversait maintenant la cuisine en se carrant dans son riche costume de guerrière, et en agitant, sous son feutre à plumes bariolées, sa volumineuse crinière d’un blond ardent, cette madame Proserpine, épouse plus ou moins légitime du capitaine Macabre, c’était l’ancienne gouvernante du marquis, c’était l’ennemie personnelle de Mario, c’était la Guillette Carcat de La Châtre, c’était la Bellinde de Briantes.

— Nous sommes perdus, pensa le marquis ; elle va nous reconnaître !

— Nous sommes sauvés, pensa Mario ; elle ne nous reconnaît pas !

Et, pour mieux se déguiser, il s’enveloppa aussi d’un tablier à pièce qui lui montait jusqu’au menton, et passa, sur ses joues roses, ses petites mains frottées de charbon.

Bellinde passa sans se retourner. Mais il n’y avait pas moyen de songer à la fuite. Madame voulait être servie à l’instant.

L’ex-gouvernante, prude et sucrée, avait subi une rapide métamorphose. En devenant la compagne d’un vieux routier, elle avait pris les manières soldatesques et le ton impérieux et violent, qui, en somme, était l’expression de sa véritable nature, comprimée et fardée